Homélie du 22 et 23 Septembre 2018


HOMÉLIE P. GÉRARD REY


Le court récit de l’Evangile de Marc comporte trois étapes qui en elles mêmes, sont déjà riches de signification. Trois aspects du règne de Dieu que Jésus vient annoncer et inaugurer, trois reflets du
visage de Dieu qu’il nous fait découvrir, trois indications pour la vie et le témoignage du chrétien.

La première tient en trois mots : il traversait la Galilée. Pas une information par hasard ou distraction. La Galilée était un carrefour où des gens venant de partout, se rencontraient. « Carrefour des païens » disaient ceux de Jérusalem, qui regardaient de haut ces
juifs mauvais pratiquants éloignés des sacrifices du temple. Et c’est dans ce monde là que Jésus vit l’essentiel de sa mission. Et ceci nous dit déjà quelque chose de Dieu. Le Dieu de Jésus n’est pas
enfermé dans un temple, il circule sur toutes les routes humaines quotidiennes.

Deuxième indication : « il enseignait ses disciples, qui ne comprenaient pas ses paroles …et une fois à la maison, il leur demanda : de quoi discutiez-vous en chemin » Jésus veut former ses proches collaborateurs .La maison ne préfigure t elle pas nos assemblées, nos communautés chrétiennes ?
Mais les disciples ne comprennent pas. Ou plutôt ils ne veulent pas entendre. C’est déjà la deuxième fois que le Christ leur annonce sa passion et sa mort. Ses amis repoussent cette idée, si leur maître est vraiment celui qu’ils espèrent, il est incroyable qu’il connaisse un tel sort. L’envoyé de Dieu ne peut pas subir cela « scandale pour les juifs et folie pour les païens » écrira plus tard Saint Paul…
Et pour nous ne rêvons nous pas d’un Dieu qui viendrait régler tous nos problèmes, de santé, de justice, de paix, de liberté ? Jésus, fils de Dieu, va quand même subir la mort comme tout le monde, et qui plus est, une mort violente. 

D’où le troisième message, où Jésus va expliquer qui il est par
un geste, eux qui venaient de se quereller, comme cela arrive souvent pour une question de pouvoir : qui était le plus grand parmi eux ? Jésus prend un enfant, la place au milieu du groupe et l’embrasse. Un enfant, en ce temps-là ne comptait guère, il était une bouche à nourrir, il n’avait pas voix au chapitre. Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier et le serviteur de tous. Logique implacable de l’Evangile que nous avons bien des difficultés à admettre…et qui va vraiment à contre courant de ce que met en avant notre société où l’économie et les médias font la loi….Ce que vous faites à l’un de ces petits qui sont mes frères c’est à moi que vous le faites nous dit Jésus..C’est un renversement total par rapport au Dieu tout puissant, au Dieu des armées, au
Dieu Juge …C’est le Dieu qui nait dans une étable à Noel, le
Dieu très bas qui nous accompagne au coeur de nos fragilités
où la personne humaine est au centre. 
Tout ceci est d’une grande actualité….Notre Europe de l’ouest est traversée de pensée et de culture par toutes sortes de courant. Notre Eglise est durement mis à l’épreuve, nous sommes profondément affectés par les révélations d’abus qui se fond jour à travers le monde, dans notre pays et ces jours dans le diocèse de saint Etienne. Face à la souffrance imprescriptible des victimes et de leurs proches, nous sommes tristes et honteux. Croyants et incroyants peuvent constater que les actes de quelques uns rejaillissent sur toute l’Eglise, qu’il s’agisse d’actes criminels ou de silences coupables. Tous nous subissons ce soupçon qui porte sur l’ensemble de l’Eglise et des prêtres nous disent les évêques dans un communiqué adressé au peuple de Dieu qui est en France….en citant le pape François qui appelle chaque baptisé quelle que soit sa
responsabilité dans l’Eglise à s’engager dans la transformation ecclésiale et sociale dont nous avons tant besoin …

Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier et le serviteur de tous »Ce choix de Dieu, ce choix des petits, ce chemin pris par Jésus bouleverse la hiérarchie des valeurs et le
fonctionnement de notre société, de nos institutions…Quand on a une responsabilité si petite soit-elle, comme il est difficile de l’exercer comme un service et non comme un pouvoir. Et pourtant ce qui fait, je pense l’originalité des chrétiens dans cette société où règne le tout économique, où les médias étalent la vie privée des gens, quels que soient le lieu de notre engagement et le niveau de
responsabilité que nous pouvons avoir dans l’Eglise ou dans le monde, c’est de prendre cette parole du Christ comme une règle de conduite. En effet la foi si précieuse qui nous est donné, est à
vivre dans ce monde tel qu’il est, dans nos relations quotidiennes, dans notre Galilée du 21ème siècle…pour y témoigner comme l’écrit saint Pierre de l’espérance qui est en nous… C’est vrai
beaucoup de choses vont mal…Mais en même temps, même au coeur de nos fragilités, beaucoup de belles choses se vivent. je suis heureux de voir qu’il y a aussi des croyants ou non, des diacres,
des prêtres, qui font des petites ou grandes choses à leur mesure, dans l’accueil des migrants, contre les injustices sociales, le respect de la vie, l’exploitation et le gaspillage des richesses naturelles pour que la planète aille mieux.qui créent des lieux d’écoute, de parole, à commencer par leur propre famille, s’interrogent pour vivre des communautés plus conviviales, plus fraternelles, se soutiennent dans les épreuves. Oui toutes ces petites choses, relues à la lumière de l’Evangile que l’on peut faire ensemble sont essentielles…encouragés aujourd’hui par le pape François. Il a le sentiment que l’Eglise doit bouger. Il sait que ce sont les plus pauvres qui nous
ramèneront à l’essentiel qui est d’aimer.
C’est surtout par notre présence, par l’action que nous rendrons témoignage de Celui qui s’est fait serviteur de tous, non pas en embrassant un enfant mais en essayant d’être proche des victimes, de ceux qui souffrent, qui sont incompris, rejetés, des petits de la société.



Au moment, où nous retrouvons nos activités, nos collègues de travail, nos voisins, au moment où nos équipes, nos communautés redémarrent, élaborent des projets, prenons le temps de la prière comme nous invite aujourd’hui la lecture de ST Jacques, une prière désintéressée pour accueillir tout simplement, avec un coeur d’enfant Celui qui vient à notre rencontre, celui qui nous invite encore à prendre avec lui ce chemin de l’Accueil et du Service. Alors prions pour que l’humilité nous soit donnée, pour être signe autrement de l’Amour de Dieu.
Amen.